Le fond de pension Cerberus se paye Chrysler - Seule la mort n'est pas une volatilité
Par Thomas, le Cimbre le 4. juin 2007, - Catégorie : Entrepreneuriat financier, globalisation - Lien permanent
La marge opérationnelle d'une entreprise est "raisonnablement" de 3 à 5% si elle veut être prospère dans le temps.
A travers cette analyse je veux vous expliquer aujourd'hui les dévers de la Corporate Governance, du management financier, du système de retraite par capitalisation et des fonds de pension et des caisses de retraite privées d'entreprise et vous éclairer au sujet de la fragilité grandissante de l'employé qui coure, lui, toujours les plus grands risques car il n'a que son temps de travail à échanger avant de ne se confondre qu'avec de la volatilité marchande ou pesante.
Une marge opérationnelle peut même aller jusqu'à 20% dans les start-up, les valeurs technologiques ou de la biotechnologie. Cette situation de croissance exceptionnelle retombe vite à mesure que ces entreprises perdurent dans le landernau des firmes établies. Il est bien sûr possible de "faire" de la marge opérationnelle élevée en pratiquant le management financier du share-holder, ce futur candidat au golden parachute. Pour comprendre la rationalité non polémique de ce billet je vous invite à relire ce que j'avais écrit pour le cas EADS - Airbus Industrie.
Les fonds de pension ne sont ni des créateurs d'entreprises ni des faiseurs d'entreprises. Ce sont des client d'entreprises marchandises dont l'objectif managérial ne dépasse jamais le court terme. Ce sont des costkillers qui compressent les coûts "inutiles", mais aussi les coûts de la recherche & du développement, les coûts de l'expansion, les coûts normaux de fonctionnement. Ici, les employés ne sont que des coûts à éliminer et ne sont pas du "Humanes Kapital" comme dans le système paritaire rhénan allemand qui parvient encore à se maintenir avec une certaine cohérence et une certaine équité surveillée de très près par le système des grands syndicats puissants.
Pour beaucoup d'employés, victimes de surpressions nosocomiales chez Renault, chez Peugeot..., il n'y a même pas de black parachute pour les accompagner du suicide vers la mort. Ils se sont pendus au rythme de la chaine de montage ou au-dessus de la table à esquisses.
La vente au rabais du constructeur automobile américain au fond de pension a essuyé d'énorme critique des représentants des travailleurs. Buzz Hargrove, le président du syndicat automobile canadien Canadian Auto Workers (CAW / TCA), a déclaré être soucieux au plus haut point. La société n'a pas fait pour l'instant de bonnes expérience avec des fonds d'investissement. Le syndicat international de la métallurgie a menacé Cerberus d'une action de grande envergure, si Cerberus en venait à faire main basse sur les caisses de retraite des employés en ne respectant pas les engagements du groupe Chrysler conformément aux conventions collectives. Le fonds de pension Chrysler est excédentaire de 2 Milliards de Dollar, mais les caisses d'assurance-santé sont déficitaires.
Dans ce "mariage parfait", Jürgen Schremp, le PDG mégalomane de Daimler, a fait perdre à son groupe, dans son "orgie de mauvaises acquisitions", en 9 ans 36 Milliards de Dollar pour une fusion avec Chrysler qui n'a jamais cessé d'être agonisante. Daimler Benz qui avait changé sa raison sociale en DaimlerChrysler après sa fusion entre Mercedes et Chrysler a revendu ses parts sociales à Cerberus, le hedge fonds, le fonds de pension ou la société de placement selon l'humeur de son fondateur Stephen Feinberg. Cerberus détient à présent 80,1% des parts de Chrysler. La nouvelle société, pilotée par Cerberus, mais dans laquelle Daimler garde une participation, devrait assumer le financement des 18 milliards de dollars (13,3 milliards d'euros) du fonds de retraite et d'assurance-santé de Chrysler. A l'instar de ses deux principaux concurrents américains, General Motors (GM) et Ford, les coûts de production de Chrysler sont plombés par ces engagements sociaux. Cerberus ne va pas licencier pour l'instant au delà des 13.000 employés déjà annoncé par DaimlerChrysler. DaimlerChrysler avait déjà licencié 26.000 employés. Buzz Hargrove du syndicat des Travailleurs Canadiens de l'Automobile (CAW / TCA) croit que cette transaction pourrait signifier la perte de 10 000 emplois au Canada, bref, pratiquement de tous les postes au Canada.
Une conscience internationale des travailleurs ne s'est pas révélée dans cette revente des parts de Chrysler à Cerberus. Le grand syndicat allemand IG Metall, dont j'admire au demeurant la capacité négociale, a montré son égoïsme de site de production et a salué cette revente qui pouvait mettre en péril tout le groupe Daimler. Le syndicat US Auto Workers (UAW) a été lui aussi loyal face à Chrysler. Les canadiens sont sceptiques et craignent encore plus pour leurs emplois, d'autant plus que Cerberus a depuis toujours eu une tendance à payer plus lors de rachats d'entreprise et qu'il se rémunère par la suite encore plus avec des coupes sombres et des plans d'économies drastiques. Le secrétaire général de la Confédération Internationale de la Métallurgie (IMF) craint que les provisions pour les caisses de retraite et de maladies du groupe Chrysler ne soient plus protégées des appétits de Cerberus. Il faut rappeler ici que la productivité américaine par employé et par heure travaillée est très "mauvaise" de la PME au grand groupe et n'a rien de comparable à la productivité française par exemple qui est en tête d'après les l'Office américain des statistiques. Bureau of Labor Statistics (BLS) américain, malgré les 35 heures, les salariés français restent parmi les plus productifs du monde: un employé français produit en moyenne 72.000 $ de valeur ajoutée par an, contre 64.000 $ pour un Anglais, 59.000 $ pour un allemand ou 56.000 pour un japonais. Au moment où le Chef Président récite son "travailler plus* pour gagner plus" qui ne va générer que des licenciement et une aggravation du trou de la Caisse de la Sécurité Sociale, la situation américaine est à méditer. Il faut être plus à travailler. Avec le management financier de tout fonds de pension les licenciements vont s'aggraver pour rattraper le seuil de compétitivité internationale et pour générer cette marge opérationnelle de 20%.
Ce scénario vous a présenté de manière simple ce qu'est la Corporate Governance qui semble être étrangère à toute solution au niveau international et transcontinental. La Corporate Governance ne doit pas rester ainsi au moins au niveau européen. L'Europe doit contraindre ses États membres à une Charte sociale, à une taxe à la délocalisation pour des raisons de dumping.
Revenons à l'objet de ce billet: la stratégie des investisseurs financiers. Cette stratégie est simple. Il "faut" acheter une entreprise à vil prix, la recapitaliser ou la démanteler et la revendre très cher. Les manœuvres de Cerberus seront donc encore plus violentes en sachant que Cerberus a payé très cher un groupe en situation de faillite depuis au moins trois ans. Il n'y avait pas non plus "de chance" que Chrysler soit racheté par ses concurrents directs Ford et GM dont la situation financière est tout autant catastrophique à cause des erreurs du management du groupe qui qui n'offre que des voitures d'un autre âge ne répondant pas au goût des clients. Le américains donnent leur préférence aux japonaises économiques et mieux équipées. A cette crise des politiques produit, qualité et de gestion s'ajoutent les risques énormes dûs au financement des engagements sociaux du fonds interne de retraite et d'assurance-santé que Daimler ne voulait pas non plus assumer et qui restent "sur le dos du groupe Chrysler". Ceci est aussi l'illustration d'un système économique d'un État où tout est privatisé et qui ne fonctionne que sur la capitalisation et qui ne fonctionne pas sur la répartition. L'AGCS, Accord Général sur la Commercialisation des Services, et la Directive Service du Parlement européen ne visent rien d'autre que de tout privatiser, les crèches, la santé, les caisses de retraité pour désengager l'État de tout. Il faut savoir que les marchés mondiaux les plus lucratifs sont par ordre de décroissance l'alimentation, la santé et l'eau. Chrysler, entreprise privée, va tout faire pour se démettre du financement et de la gestion de ces caisses. Un repreneur - qui ne sera pas la fédération des USA - aura tôt ou tard cette partie du groupe. Nous pouvons nous imaginer qui va payer le prix de ce rachat: les travailleurs. Je vois mal un fond de pension reprendre des caisses de retraite et d'assurance-santé pour faire une manœuvre caritative. Notre nouveau Chef Président, obnubilé à se mettre sur un tabouret pour faire le baise-main à GW Bush, va conduire la France dans ce gouffre de la retraite privée et par capitalisation.
Le licenciement des 26.000 employés à Auburn Hill avait même permis de conduire le groupe Chrysler vers le seuil bénéficiaire, mais pour une très courte période. Il a fallu fermer des sites entiers comme dans le Delaware. Pour l'instant Cerberus n'annonce pas de plan à la Power 8 à l'image de Airbus EADS, où là aussi les égoïsmes managériaux des share-holders allemands et français s'éliminent mutuellement. Une nouvelle convention collective est en négociation avec le syndicat UAW. Malheureusement UAW n'a eu pour l'instant que de mauvaises expériences avec ce fonds de pensions Cerberus. A l'issue du rachat de l'équipementier Delphi, le chef de l'UAW avait nommé Cerberus et le management de Delphi "d'un tas de cochons debout sur un tonneau plein d'argent et qui ne peut jamais en avoir assez" et avait menacé d'immobiliser le groupe Delphi tout entier si Cerberus dénonçait les conventions collectives. Cerberus avait alors subitement retiré son offre de recapitalisation de Delphi. Je suis sûr que pour notre nouveau Chef Président, mais aussi Bayrou l'orange à peler, Marie Ségolène Royal la libérale-socialiste, le Chef de l'UAW est un gauchiste.
La revente de la branche américaine Chrysler a été décrite par la société mère Daimler comme "une libération" et pour lui "les synergies entre Daimler et Chrysler ont été épuisées et des possibilités de coopération entre différents départements des deux groupes sont très limitées". Le Président de Cerberus, Snow, a déclaré "ne pas juste penser au prochain trimestre mais au long terme". Snow a été jusqu'en 2006 ministre des finances des USA. Snow avait indiqué que Cerberus a confiance en la force de l'industrie manufacturière américaine, notamment celle du secteur automobile et de Chrysler. 50.000 collaborateurs de Chrysler avaient créé un Comité destiné à organiser le by-in pour protéger le groupe Chrysler d'investisseurs étrangers à la branche automobile. Cerberus avait investi dans les programmes d'armement de Saddam Hussein, mais là nous n'avons pas de leçon à donner avec nos Commissariat à l'Energie Atomique, Sciaky, Thomson CSF, Aerospatiale and Matra Espace, Cerbag, Protec SA, Thales Group, Société Générale pour les Techniques Nouvelles...
Lisez aussi: Cerberus, chien des enfers - Cerberus, les fonds de pension
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Que veut dire "travailler plus pour..." ?: Détaxation et défiscalisation des heures supplémentaires
Dans une entreprise restée à 39 heures employant 100 salariés, ces derniers effectuent 4 h supplémentaires . par semaine. Désormais elles vont être exonérées de charges sociales soit (50 % du salaire). Le salaire moyen est de 1500 €. Les heures sup. représentent le 1/10ème du salaire et donc des charges sociales. Le gain pour l’entreprise sera : 1500 € x 12 mois x 0,5 charges x 0,1 heures sup. x 100 salariés = 90 000 € brut, il faut déduire l’impôt sur les sociétés le gain net est d’environ 60 000 €. Un salarié va gagner 360 € de charges sur son salaire et 180 € sur les impôts si son taux marginal d’imposition est de 10 %. Mais il y a toutes les chances pour que ce gain soit rapidement réduit à Zéro parce que le patron va intégrer ce gain dans ses calculs pour ne pas augmenter le salaire de base dans les proportions de l’inflation. Résultat : le patron actionnaire à 99% gagne à coup sûr : 60 000 €, le salarié gagne (sans garantie) 540 €. Le coût pour le budget de l’Etat est de 90 000 € + (540 € x 100 salariés) = 144 000 €. Pour équilibrer le budget il faudra augmenter les taxes payées par tout le monde. Le salarié risque d’être perdant avec un salaire de base diminué et des taxes en plus. Le coût de la réforme des heures sup. pour le budget de l'État serait de 5 à 6 milliards d'€, a précisé à la presse mercredi soir François Fillon, le matin même, sur RTL, il avait déclaré qu’elle serait de 2,5 à 3 milliards d’€, un gros couac ! Déductions des intérêts des emprunts immobiliers
Un privilégié du système gagne 100 000 € par an. Il achète à crédit une superbe villa. Il peut déduire les intérêts de son revenu imposable jusqu’à 20 %. Il déduit donc 20 000 €. Son taux marginal d’imposition est de 40 %. Son gain d’impôt est donc de 8 000 €. Un couple de salariés gagne le SMIC 24 000 € par an à eux deux. Ils achètent à crédit un petit appartement. Ils peuvent eux aussi déduire 20 % de ces 24 000 €. Leur taux marginal d’imposition est de 9 % d’où un gain d’impôt de 432 €. Une salariée qui est seule et travaille comme caissière à temps partiel voudrait bien travailler plus pour gagner plus mais le privilégié du système qui l’emploie refuse. Elle reste locataire et gagne Zéro € dans l’opération. L’équilibre du budget se fera ici aussi en augmentant les taxes payées par tout le monde. Il est facile de comprendre que le royaume enchanté de l’ultra libéral Sarkozy ne l’est que pour les nantis. Avec le bouclier fiscal ils sont protégés, ils pourront se soigner bien vivre, les autres devront travailler plus pour gagner moins. Pour compenser : les exonérations de charges (5 milliards d’€), le bouclier fiscal (5 milliards d’€), les droits de succession (5 milliards d’€), il faudra augmenter de 2 à 3 points le taux de TVA. Les bonnes nouvelles sont à moitié annoncées, pour les mauvaises bouche cousue, la cerise sur le gâteau arrivera avec la TVA sociale qui frappera les plus faibles. Elle est obligatoire pour compenser les cadeaux faits aux nantis.